Traumatisme chez un poisson rouge

Les poissons rouges sont des êtres sensibles.

Aimer la nature c'est vénérable, à la mode, et tant mieux.

Mais inviter le monde végétal et le monde animal au sein du monde minéral de sa propre maison c'est profiter pleinement de l'agrément de la nature.

C'est ainsi que nous même, mon épouse et moi, forts amis de cette nature, avons créé un accueil verdoyant avant même que la porte de notre maison ne soit refermée.

En effet, les hôtes de notre demeure et nous mêmes perpétuellement, sommes reçus dans un espace largement vitré, en verre teinté pour l'intimité, un espace dominé par un mur végétal plongeant dans un vaste bassin qui, lui-même, accueille un petit groupe de poissons rouges.

Cet ensemble de vie naturelle est autonome. En effet, l'eau nourrit les plantes et les poissons eux, se nourrissent des productions végétales.

C'était il y a un trio d'années que nous avons offert ce bassin à une douzaine de petit Cyprins dorés. Ceux ci nous prouvèrent tout de suite leur bonheur en s'égaillant généreusement dans leur nouvelle résidence. Baignant ainsi dans une ample félicité,  les jours passèrent et leur plaisir ne faiblissait pas.

Pourtant, au fil du temps, nous constations la disparition de plusieurs d'entre eux, souvent nous ne retrouvions même pas leurs rouges dépouilles et cela nous fit penser à une éventuelle anthropophagie. A cet égard, nous avons, bien sur, interrogé les survivant mais ceux ci, fidèles à l'image de leur cousine la carpe, restèrent parfaitement cois.

Il y a quelques mois, il ne restait plus que trois de ces poissons pionniers, mais ils avaient acquis une belle taille et se promenaient paisiblement dans leur espace dédié.

Survint alors la mort de l'un des trois sans que son corps ne soit visible, aurait-il été, lui aussi, dévoré par ses compagnons?, nous n'avons toujours pas la réponse.

Et puis, il y a quelques semaines, nouvelle tristesse, un seul poisson est visible. Je dois préciser ici que ce bassin et oxygéné grâce à une pompe immergée qui agite l'eau en permanence. Et c'est un jeune homme de notre famille qui, fouillant l'eau d'un regard aiguisé, découvrit l'extrême queue du poisson disparu qui s'agitait mollement à la sortie du tuyau de refoulement de la pompe (diamètre 4 cm quand même). Il était entré, à contre courant, dans le tuyau où ses ailerons le retenaient prisonnier.  Le jeune homme clairvoyant et généreux retira alors délicatement le poisson de sa fâcheuse position, il semblait posséder encore un peu de vie.

Nous avons alors décidé de ne pas procéder à un acharnement thérapeutique sur notre Cyprin en ne le confiant pas à un quelconque vétérinaire et nous avons laissé la nature prendre ses responsabilités. Mais, dans les jours qui suivirent, il nous apparut clairement que le poisson trop curieux ou suicidaire mourait plutôt que de se remettre.

Pendant ce temps, le tout dernier rescapé plongea dans une profonde détresse, il ne bougeait que très peu, il s'éloignait de la zone visible par nous et semblait ne pas se nourrir, alors pour éviter le pire il nous fallait intervenir rapidement.

Nous avons choisit de lui faire adopter deux nouveaux petits poissons rouges ayant la même origine, et là, immédiatement,  le résultat fut magnifique. Ces très jeunes cyprins dorés, heureux de vivre et de retrouver un ancêtre, nagèrent tant et  si bien qu'ils arrivèrent à dérider celui qui aurait pu être leur grand-père et réussirent en une dizaine de jours à lui redonner le goût de la vie.

Depuis nous avons complété, un réimplantant deux autres petits poissons rouges et c'est pour nous une grande joie que de les voir tous les 5 tournebouler en entraînant avec eux le vénérable qui est entièrement guéri de son traumatisme.

yug Draffob

05/2019